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Ivoir-Opinion

L’honneur perdu d'Alassane Ouattara

21 Mai 2011 , Rédigé par ivoir-opinion Publié dans #côte d'ivoire

 

Si nul n’en parle ici, nul n’en parlera dans le monde francophone. Ce qui est en train de se passer en Côte d’Ivoire est abominable. 

 

Des massacres de civils ont eu lieu, et, bien qu’il se dise en France que nul ne sait qui est coupable, ces massacres ont eu lieu essentiellement dans des zones fidèles à Laurent Gbagbo, par les troupes et les milices servant Alassane Ouattara. 

 

Ce n’est pas moi qui le dit : ce sont des associations humanitaires qui ne manifestent pas toujours de la sympathie pour les populations chrétiennes, telles Human Rights Watch, et des associations chrétiennes aussi. 

 

C’est le sénateur républicain américain Jim Inhofe, qui vient de demander au Congrès la création d’une commission d’enquête et qui, à cette fin, vient de présenter un dossier contenant des documents accablants, qui concernent aussi les élections présidentielles, et semblent indiquer des fraudes massives en défaveur de Gbagbo.

 

Tout comme en Libye, on a invoqué  la nécessité de « protéger les civils ». Les civils en Côte d’Ivoire ne sont pas du tout protégés, au contraire, et la notion de « protection des civils » apparaît, décidément, de plus en plus spécieuse.

 

Tout comme en Libye, la France intervient dans une guerre civile et, en l’occurrence, prend partie d’une manière très explicite sans que tous les tenants et aboutissants soient expliqués à la population française.

 

La Côte d’Ivoire est un pays où les ethnies et les tribus jouent un rôle majeur jusqu’à ce jour, et elle est divisée, fondamentalement, entre un Nord musulman, plus pauvre et un Sud animiste et chrétien, plus riche, où se concentre l’essentiel des activités économiques et, entre autres, la production de cacao pour l’exportation. 

 

Les dissensions et les tensions à l’intérieur du pays ont cru à mesure que la population musulmane a cru. 

 

Au moment de l’indépendance, celle-ci représentait un peu moins de vingt pour cent du peuple ivoirien. Elle en représente aujourd’hui plus de cinquante pour cent. Cette croissance est due très largement à une immigration de peuplement dont tous les membres n’ont pas l’identité ivoirienne. Les pays limitrophes de la Côte d’Ivoire sont musulmans, et plus pauvres qu’elle. 

 

Pour protéger l’identité ivoirienne et tenter d’endiguer la submersion musulmane, le premier successeur de Félix Houphouet Boigny, Henri Konan Bedie, a forgé la notion d’"ivoirité". On l’a bien sûr accusé de racisme et d’islamophobie. Konan Bédié a été renversé par un coup d’Etat en 1999, dans un contexte de troubles croissants. Des élections ont eu lieu en 2000, qui ont vu la victoire de Laurent Gbagbo. Une tentative de coup d’Etat a eu lieu deux années plus tard, fomentée depuis le Nord, avec l’appui du Burkina Faso et l’appui de la France de Jacques Chirac. 

 

Gbagbo appellé, alors, la France à l’aide, la plaçant ainsi en porte-à-faux et faisant échouer le coup d’Etat. 

 

Le pays a été ensuite divisé en deux. Un statu quo a pris place supervisé par les forces de l’Onu (Onuci) et la force française Licorne. 

 

Des élections ont été organisées à nouveau en décembre 2010 : dans un contexte où leur régularité ne pouvait qu’être très hypothétique puisque seul le sud du pays était sous l’autorité du gouvernement légal du pays, tandis que le nord était occupé par les forces rebelles (l’Onuci avait pour tache de les désarmer, mais n’a rien fait). Comme c’était prévisible, le résultat a été contestable et contesté. Et il semble assuré que, oui, des fraudes massives ont eu lieu. 

 

Laurent Gbagbo a décidé, en ces conditions, de se maintenir et de faire durer le statu quo. Il s’est déclaré ouvert à des négociations, à une médiation, voire à de nouvelles élections sous contrôle international.  

 

Alassane Ouattara a été reconnu comme Président élu par les Nations Unies et la France qui s’est, au cours des trois derniers mois, organisée pour asphyxier financièrement le gouvernement Gbagbo, pour l’isoler diplomatiquement et pour mettre en place un boycott du commerce du pays. La France a présenté fin mars, en commun avec le Nigeria, une résolution aux Nations Unies exigeant des sanctions contraignantes contre le gouvernement ivoirien et une action de l’Onuci pour désarmer l’armée ivoirienne.

 

Une offensive a eu lieu ces derniers jours, menée par les milices du Nord obéissant à Alassane Ouattara, avec l’appui de l’armée française. Les charniers se sont multipliés. Abidjan est dans une situation désastreuse. Gbagbo finira sans doute par tomber. Alassane Ouattara arrivera au pouvoir.  

 

Ce ne sera pas dans le cadre d’élections régulières, mais par la force de milices appuyées par la France, le Nigeria et le Burkina Faso. Les morts se comptent par milliers, et ce n’est pas fini. Les habitants du sud du pays, animistes et chrétiens, ne peuvent voir en ce qui se passe qu’une conquête violente du Sud par le Nord, et des régions animistes et chrétiennes par  des milices musulmanes.  

 

Parler de « réconciliation nationale » en ces conditions, comme cela se fait désormais, sera très difficile.  

 

Après s’être alliée avec des gens liés à l’islamisme à Benghazi, la France s’est alliée ici avec des musulmans prenant le pouvoir les armes à la main. 

 

Des entreprises françaises y trouveront peut-être leur intérêt financier. Cet intérêt financier aura un fort goût de sang et de cadavre. Alassane Ouattara, internationalement, a travaillé pour le FMI. En Côte d’Ivoire, nul ne pourra effacer le fait qu’il aura travaillé avec des assassins.  

 

Contribuer à la soumission de la Côte d’Ivoire à l’islamisation dans un contexte de montée en puissance de l’islam radical est peut-être du réalisme politique de la part du gouvernement français : c’est un réalisme politique sans scrupule et extrêmement myope. Dire que Gbagbo est un homme corrompu est tristement risible : chercher en Afrique subsaharienne un homme qui ne pratique pas la corruption et qui ne manifeste pas sa fidélité concrète aux groupes qui le soutiennent est plus difficile que chercher une aiguille dans une gigantesque botte de foin.

 

Les exportations de cacao vont-elles reprendre ? Peut-être. Les entrepreneurs animistes et chrétiens, en ce cas, seront devenus dhimmis. Les expatriés français qui resteront à Abidjan, si tant est qu’il en restera, auront beaucoup à faire pour qu’on leur pardonne d’être français. L’économie du pays mettra beaucoup de temps à se relever : si elle doit se relever un jour. Une partition du pays aurait pu être envisagée. Certains en ont décidé autrement.  

 

Au Nigeria, pays allié de la France en ces circonstances, il y a eu aussi des massacres de chrétiens.

Guy Millière

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